Titre : Like a love Story
Auteur : Abdi Nazemian
Editeur : Editions Milan
Nombre de Pages : 355
Date de Parution : 13 novembre 2019
Mon Avis : (Garanti sans spoilers)
Commençons cet avis en vous parlant de l'énorme bêtise que j'ai failli faire en ne lisant pas ce roman, me fiant uniquement à sa couverture qui ne m'avait pas emballée, je l'avoue. Pourtant, elle reprend les codes graphiques du début des années 90 et colle à l'ambiance du texte que l'on va découvrir. Et puis, heureusement, j'ai entendu d'autres lecteurs parler avec passion de ce roman, me donnant l'occasion de lui laisser sa chance. Grand bien m'en a fait ! Like a love story nous place à la fin de l'année 1989 à New-York. Le SIDA fait rage depuis des années touchant principalement la communauté gay dans l'indifférence la plus générale des politiques et de la population. Reza a 17 ans. Il a fui le régime de Téhéran alors qu'il n'avait que 11 ans, avec sa mère et sa sœur. Après quelques années au Canada, il arrive à New-York. Jeune homme réservé, introverti, il est en lutte permanente contre l'attirance qu'il ressent pour les hommes. Tiraillé entre être reconnu et aimé comme il est, il est surtout perclus de peur, peur de perdre l'amour de ses proches, peur d'être condamné à une vie marginale. Et puis il y a le SIDA, cette maladie qui semble condamner tout particulièrement les amours homosexuelles. Alors Reza étouffe ses aspirations bien au fond de lui. Seulement au lycée, il y a Art. Art qui affiche ostensiblement son homosexualité, son implication dans Act up. Art qui le ne laisse pas indifférent. Art qui va peut-être être sa révolution personnelle. Like a love story a complétement su me replonger dans l'ambiance du début des années 90. En 1990, je sortais de l'enfance et Like a love story m'a refait vivre les croyances et les craintes qui tapissaient cette décennie. La crainte du SIDA, longtemps considéré comme une maladie honteuse, de gens malades qui l'avaient cherché en menant une vie qui ne correspondait pas aux normes sociales. De toutes les fausses informations qui circulaient à l'époque : qu'on pouvait l'attraper par le toucher, en s'asseyant sur une cuvette de toilettes. Maintenant, cela semble ahurissant qu'on ait pu penser ce genre de chose mais c'était les terreurs de l'époque. Je me souviens de gestes qui ont marqué les esprits et fait parler à l'époque : Lady Di qui touche une malade du SIDA sans gants (oui ça parait horrible maintenant de devoir le préciser). Quelques années plus tard, Clémentine Célarié qui embrassait sur le plateau de télévision du premier Sidaction un homme séropositif pour prouver que la maladie ne se transmettait pas par la salive. Toutes ces choses qui aujourd'hui semblent des évidences mais qui ne l'étaient pas du tout à l'époque. Cela semble si proche et si lointain en même temps. Like a love story est l'histoire bien évidement de Reza et du long trajet qu'il va devoir réaliser pour accepter qui il est, oser vivre les amours qu'il souhaite. La crainte omniprésente de la maladie. De la mort assurée dans d'horribles conditions si on la contracte. C'est également une plongée dans la vie de la communauté gay de New-York, des actions d'Act up et de leurs combats pour que les sociétés pharmaceutiques baissent leurs prix prohibitifs qui empêchent les malades d'accéder aux seules molécules qui ralentissent un tant soit peu la maladie. Leur combat pour que l'église revoit son discours sur l'utilisation du préservatif, seul moyen de se protéger mais que l'église refuse (et ce jusqu'en 2009 où une ouverture a pu avoir lieu !!!). Vous pourriez vous dire que c'est un roman comme on en a déjà lu sur la complexité de dévoiler son homosexualité mais il est bien plus que cela ! C'est le portrait vivant et touchant d'une époque avec tous ses préjugés poisseux. Comprendre que l'on est homosexuel à cette époque, se résumait à peu de choix : renier sa nature ou se savoir condamné à moyen terme à mourir d'une maladie dont les pouvoirs publics ne semblent pas se préoccuper. "A toi, Stephen, qui a toujours été si courageux. - Je n'ai pas eu le choix. - Bien sûr que si. Tu aurais pu te cacher dans l'ombre. - Je serais peut-être encore en vie si je m'étais caché. Je me sens brisé en deux. Je n'ai pas envie de penser qu'il aurait pu être récompensé en vivant dans le mensonge. Ce n'est pas comme ça que le monde est censé marcher. C'est l'homme le plus honnête et le plus courageux que je connaisse, et bientôt il sera mort à cause de ces qualités. Mort parce qu'il a bâti son existence avec ses rêves. Parce qu'il a vécu dans la vérité." C'est un roman bouleversant qui montre tout le chemin parcouru, que ce soit dans l'image autour de cette maladie, des traitements, mais aussi les avancées pour la reconnaissance de la communauté LGBT. Il est à la fois un message d'espoir, un rappel de ce qui a été accompli mais aussi un rappel de tous les combats qu'il reste encore à soutenir, de la fragilité de ce qui est acquis. Un roman à absolument découvrir en mémoire de ces gens qui se sont battus, qui sont morts dans beaucoup d'indifférence. "Ne m'oubliez pas. - Tu plaisantes ? Personne qui t'a un jour rencontré ne pourrait t'oublier. - Pas seulement moi, dit Stephen. Nous. Nous tous. Ce que nous avons fait. Ce pour quoi nous nous sommes battus. Notre histoire. Qui nous sommes. Ils ne te l'enseigneront pas dans les écoles. Ils ne veulent pas nous donner d'histoire. Ils ne nous voient pas. Ils ne savent pas que nous sommes un autre pays aux frontières invisibles, que nous sommes un peuple. Vous devez leur faire ouvrir les yeux. Vous devez vous en souvenir. Et le partager. S'il vous plait. Le temps passe, les gens oublient. Ne les laissez pas oublier." |