LE PASSAGEUR T.1 - Le Coq et l'enfant
Éditeur : Éditions Lynks
Nombre de Pages : 280
Date de Publication : 16 mai 2018
Mon Avis : (Garanti sans spoilers)
Au premier regard, Le Passageur offre un packaging parfait qui m'a tout de suite séduite : la couverture est sombre, mystérieuse, un brin angoissante, le résumé intrigant, bref ! Tout ce que j'aime. Pour finir de me convaincre de me jeter sur ce livre (s'il fallait encore une excuse… 😉), Le Passageur était l'occasion de découvrir la toute jeune maison d'édition Lynks. Et ça aussi, c'était une excellente raison !
Matéo Soler est un lycéen presque ordinaire. Presque, parce que malgré son assiduité en cours, sa discrétion et sa volonté farouche de réussir pour faire honneur aux sacrifices que son frère consent pour lui et sa sœur afin qu'ils puissent poursuivre leur scolarité, il est un Rom. Sa famille fait partie des Sintis, les Roms sédentarisés, mais cela ne suffit pas à changer le regard que portent sur lui certains enseignants ou camarades de classe qui projettent sur lui leurs a priori. C'est d'autant plus difficile à vivre que leur sédentarité les a mis au ban de la communauté Rom. C'est donc écartelé entre deux modes de vie qui le rejettent que le jeune homme avance. Son foyer n'est pas plus réconfortant : sa mère et sa grande sœur sont décédées alors qu'il était tout jeune et son père tient le jeune homme pour responsable. L'homme est plein de rancœur et de haine pour son fils et Matéo ne conserve son droit de vivre dans l'appartement familial que grâce à la présence protectrice de son grand frère Diego. Matéo, passionné de littérature, est peu expansif voire taciturne. Dans sa tête bouillonne tout un tas d'émotions mais tout cela reste tu et le jeune homme fait le dos rond face à son père ou les camarades qui le harcèlent. C'est à ce prix que perdure l'équilibre précaire de sa vie. Cet équilibre fragile vole en éclat le jour où il croise un mulo, le fantôme d'une fillette. Il réalise dans le même temps qu'il est poursuivi par les pleurs de désespoir d'un trushal odji, un mort en peine. Le doute n'est plus permis : Matéo est un Passageur, une personne amenée à servir les morts qui ne trouvent pas leur chemin. Matéo n'a d'autre choix que de trouver comment aider cette âme s'il ne veut pas sombrer dans la folie. Sauf qu'ayant grandi loin des traditions Roms, c'est seul qu'il va devoir découvrir qui est cet esprit qui le hante et remonter dans le passé pour le sauver… A la façon des romans de Silène Edgar ou de Paul Beorn, Mel Andoryss nous embarque dans un récit contemporain avec des incursions dans le passé. Le choix de la période historique (que je vous laisse découvrir) est passionnant car même si elle est souvent évoquée, j'ai eu le sentiment de réellement la découvrir avec ce roman. L'autrice nous plonge avec Matéo au cœur de ces évènements qu'on découvre ô combien dramatiques. A la façon des tragédies grecques, le lecteur sent en permanence la menace planer autour de Matéo et on perçoit beaucoup de mélancolie autour du jeune homme. Les deuils qui ont jalonné son enfance, ce père absent qui en est venu à détester son fils, la perte d'identité culturelle du jeune homme nous plongent dans une ambiance qui ne peut que happer le lecteur. Le jeune homme est touchant dans sa volonté de faire au mieux tout en se retrouvant livré à lui-même, sans figure rassurante pour le guider, hormis le fantôme de cette fillette. L'attention du lecteur ne décroche jamais tant on est pris entre la volonté de comprendre le drame familial qui a touché la famille Soler et savoir si Matéo va découvrir l'identité du défunt errant et pourra l'aider. Les personnages principaux et secondaires sont très travaillés et leurs relations et interactions sonnent justes. C'est avec émotion qu'on voit Matéo se débattre avec les blessures de son passé, murir au fur et à mesure que son rôle de Passageur s'affirme et comprendre dans les dernières pages comment tout est lié. S'il fallait un dernier argument pour vous convaincre de découvrir Le Passageur, c'est que, bien que le roman soit sous-titré "tome 1", Le Passageur peut tout à fait se lire comme un one-shot. L'autrice offre une conclusion Au Coq et l'enfant et le second tome, en cours d'écriture, sera sans doute l'occasion de découvrir une nouvelle âme à aider. Pour conclure, Mel Andoryss nous embarque dans un récit qui mêle secret familial, traditions roms, plongée dans un pan de notre histoire peu connu auprès d'un jeune homme sensible et terriblement attachant. J'ai hâte de retrouver Matéo et ce folklore dont je n'avais jamais entendu parlé et voir ce que l'autrice nous réserve pour la suite. |