Catherine Egan nous emmène grâce à une écriture efficace au terme de cette saga originale où lutte contre une entité immortelle, révolution et magie sont au cœur de ce dernier tome époustouflant.

Maintenant que Mme Och est morte, la protection de Théo et l'objet magique caché au cœur de son être, sont désormais de la seule responsabilité de Julia. Mais Cazmir n'est pas prêt à renoncer à l'enfant, toujours bien décidé à assouvir son besoin de pouvoir. La vie de son frère menacée, Julia est contrainte d’accepter un contrat de servitude. Elle a 10 jours avant que celui-ci ne la laisse complètement sous l’emprise de l’Ancien, 10 jours pour l’empêcher de trouver Théo, sauver les siens et le monde.

Ce dernier tome s’égrène au fil de ce compte à rebours avec une tension qui monte inexorablement. Le roman axe son intrigue sur deux fronts : la lutte contre Cazmir, cet être qui veut abattre la frontière entre le monde et le Kirghal, cette ombre de notre monde imprégnée de magie où réside des créatures incontrôlables. Mais aussi sur la révolution qui couve afin que les sorcières cessent d'être traquées et exécutées.

On retrouve dans ce dernier tome les qualités qui ont déjà fonctionné dans les tomes précédents : une intrigue complexe où la frontière entre "les gentils et les méchants" est floue et mouvante, des enjeux difficiles à résoudre puisqu'aucune solution parfaite n'existe et obligera à des sacrifices. Julia, à cette image, ne sait plus à quel allié se vouer, continuant la lutte sans savoir vers où sa fidélité doit se porter. Seul son amour pour son frère reste un point fixe sur lequel elle peut s'appuyer malgré toutes les épreuves qu'elle doit affronter.

Pas de nouveau pays à découvrir dans ce tome avec un retour en Fraxe mais il y a déjà tellement à faire avec la multitude de personnages que l'on ne se sent absolument pas lésé. Ceux-ci sont tous incroyablement bien composés : on les aime ou on ne les aime pas, mais force est de reconnaitre qu'ils sont extrêmement bien incarnés.

Show Stopper est le premier roman de Hayley Barker, histoire dystopique qui s'est imposée à elle face à l'augmentation importante d'agression envers les minorités ethniques en Angleterre.

Dans un futur proche, la société est divisée en deux, avec d'un côté l'élite, nommée les Purs, et de l'autre, les basses couches de la société, nommées les Bâtards. Dans ce premier tome, nous découvrons l'histoire à travers deux narrateurs. La première est Hoshiko, une prodigieuse acrobate qui se produit pour un célèbre cirque qui sillonne l'Angleterre. Chaque soir, les artistes y jouent leur vie puisque les numéros sont conçus pour qu'il n'en réchappent pas : les Purs qui assistent à la représentation payent cher pour avoir le privilège d'assister à une mort sanglante en direct.
Ben est un Pur, le fils de la Ministre en charge du contrôle des Bâtards. Il a grandi dans un monde privilégié où il est normal d'asservir une partie de l'humanité sans jamais véritablement remettre ce concept en question. L'arrivée du cirque à Londres va bouleverser ses principes, poussé par sa fascination pour la célèbre funambule.

Show Stopper a été une lecture compliquée. Les actes de barbarie qui sont commises tout au long de l'histoire au nom d'une idéologie ne peuvent que nous révolter. Il est impossible de rester indifférents face à ce qu'on lit, même le choix des termes "purs et bâtards" soulevant le cœur. En ce sens, le roman atteint son but : démontrer combien un peuple peut rapidement sombrer dans l'horreur et l'oppression, sous couvert de préceptes idéologiques. Là où le bât blesse, c'est que l'histoire manque sérieusement de fondements. A aucun moment l'autrice n'explique comment une telle idéologie a pu se mettre en place et surtout, comment la population a pu y adhérer aussi massivement. Car, au-delà d'une volonté d'exterminer une partie de la population, il y a une volonté macabre qui dépasse l'entendement (des cadavres conservés pour une attraction, un piano dont les touches sont faites avec des dents de Bâtards…). Tout cela a un côté "trop" qui désert la portée du message de l'autrice qui s'alarme du sort qui peut être réservé aux minorités.

A part des discours plein de haine, on n'a jamais de vision croisée des différents acteurs de cette société qui aiderait le lecteur à se représenter les pensées de ses membres et justifierait de leur façon de fonctionner (même si rien ne peut justifier la barbarie, on n'est d'accord…). Mais là, on a tellement peu que, tout simplement, on ne parvient pas à croire à ce qu'a conçu l'autrice. A partir de là, il est difficile de s'intéresser au sort des personnages…

Et si en plus, les personnages principaux sont très fades, cela devient encore plus compliqué d'apprécier sa lecture... Il est évident que Ben est un personnage jeune et naïf. Nous le découvrons au moment où il ouvre les yeux sur le monde que sa mère (entre autres) a construit activement, et on imagine que c'est titanesque de vouloir s'opposer seul à une idéologie de masse. Mais son évolution psychologique est amenée de manière si maladroite qu'on a du mal à y adhérer. Hoshiko semblait un personnage très prometteur, beaucoup plus endurcie avec tout ce qu'elle a vécu de tragique depuis sa prime enfance. Mais ce potentiel est gâché par l'installation d'une romance qui n'a ni queue ni tête : un monde de préjugés les sépare et en 3 rencontres de quelques minutes, ils sont amoureux (oui, j'ai trèèèèes longuement soupiré en lisant celà………).

Créatures horrifiques, villages dévastés, brouillard dangereux en expansion : bienvenue dans le Shole ! Maintenant que sa saga l'Epouvanteur est définitivement close, Joseph Delaney nous propose une nouvelle saga, Aberrations, qui nous plonge de nouveau dans une Angleterre imprégnée d'un univers de fantaisy.

Dans le premier tome, nous avions fait connaissance avec Crafty, un jeune garçon qui possède du sang de Fey ce qui le rend insensible aux transformations du Shole, un brouillard apparu mystérieusement, aux propriétés redoutables et mortelles. Crafty fait partie des mouches de porte, ces jeunes envoyés dans le Shole pour l'explorer afin d'en apprendre plus sur cet ennemi insaisissable. L'espérance de vie de ces jeunes explorateurs est généralement courte, tant les dangers sont présents dans le brouillard.

Dans ce second tome, nous le retrouvons dans une intrigue où le danger est omniprésent. Le Shole gagne en puissance et semble s'organiser, aussi étrange que cela puisse paraitre. Les alliés comme les ennemis nous apparaissent plus clairement tandis que les "talents" de Crafty gagnent en force.
Comme souvent avec Joseph Delaney, la voix de la sagesse vient des plus jeunes : Crafty se montre audacieux, n'hésitant pas à contourner les règles si elles lui semblent injustes tout en étant foncièrement fidèle en amitié, prêt à dépasser ses peurs pour sauver ceux à qui il tient.

Le mystère autour du Shole s'épaissit au fur et à mesure que l'on en apprend plus sur ceux qu'il a transformés. L'ambiance de ce lieu est vraiment angoissante et certaines scènes font fortement frémir. (D'ailleurs, les éditions Bayard préviennent en 4ème de couverture que certains passages peuvent effrayer les plus jeunes lecteurs et c'est bien que ce soit noté.)

Le rythme de ce second tome est enlevé et on ne s'ennuie pas une seconde. Le récit se concentre plus sur les créatures du Shole et moins sur les intrigues du château et j'ai trouvé cet aspect passionnant, l'auteur parvenant de nouveau à créer un bestiaire vaste et imaginatif.

Après la fin d'un premier cycle de 13 tomes, Joseph Delaney met cette fois-ci un point définitif à sa saga l'Epouvanteur qui nous aura tenu en haleine près de 15 ans. Durant tous ces tomes, l'univers et le bestiaire de l'Epouvanteur sont devenus conséquents. Nous avons assisté à la formation de Tom Ward devenu enfin Epouvanteur, à l'évolution de certains personnages en bien ou en mal, à la disparition de beaucoup d'autres. Dans ce dernier tome, l'auteur convoque nombre d'entre eux à la façon d'un dernier tour de piste avant le clap final.

L'invasion des Kobalos soutenus par leur dieu Talkus est imminente, et l'asservissement des femmes qui s'en suivra aussi. Tom se retrouve désormais seul pour combattre ce peuple qui semble inébranlable. Seul ? pas tout à fait en fait, car certains personnages qui ont rejoint l'Obscur vont se faire alliés dans cette guerre où se joue l'avenir de l'humanité.

Au bout de 16 tomes, il est indéniable que c'est avec beaucoup d'émotions et d'attentes mêlées que l'on découvre cette conclusion. La bonne surprise de ce roman est de retrouver des personnages que l'on pensait ne plus croiser. Il est même assez étonnant de voir que la résolution de cette guerre repose en grande partie sur eux.

On découvre un dernier tome à l'image de cette saga qui a grandi avec ses lecteurs, se faisant de plus en plus sombre et abordant des thèmes difficiles tels que l'esclavagisme ou la torture. Certaines scènes sont assez effrayantes si on en s'en réfère à l'âge des lecteurs auquel s'adresse la saga.

L'héritage de l'Epouvanteur s'inscrit dans la continuité stylistique de ce qu'écrit Joseph Delaney : l'action est omniprésente avec toujours de nombreux liens et rappels avec les anciens tomes. On retrouve également les mêmes défauts : une difficulté à instaurer une tension dramatique et à véhiculer des émotions. Les personnages traversent des drames, vivent des deuils, des trahisons sans que cela ne nous affecte véritablement car tout se déroule trop vite. Cela est bien dommage car l'auteur n'hésite pas à faire des choix qui auraient de quoi nous émouvoir.

Malgré cet aspect, la conclusion de cette saga est satisfaisante et cohérente. Les choix pris par l'auteur nous apportent suffisamment de réponses pour que l'on puisse quitter cette saga sans regret. Il persiste bien évidemment de nombreux points sans réponses très élaborées mais cela est inévitable avec un univers aussi vaste...