DIX JOURS AVANT LA FIN DU MONDE
Auteur : Manon Fargetton
Éditeur : Éditions Gallimard (Jeunesse)
Nombre de Pages : 464
Date de Parution : 18 octobre 2018
Mon Avis : (Garanti sans spoilers)
La nouvelle vient de tomber : La Nouvelle Zélande vient d’être balayée de la surface terrestre par une vague d’explosions. Ces explosions, d’origine inconnue, sont apparues le long d’une ligne courant du pôle nord au pôle sud. Cette ligne s’est ensuite scindée en deux, une ligne partant vers l’est, l’autre vers l’ouest, doublant les zones de destructions. Les quelques images récoltées ensuite ne laissent aucun espoir : là où se dressaient des villes entières ou des forêts, il ne subsiste désormais qu’un champ de cendres. Si les experts sont impuissants face à cette catastrophe, ils sont cependant surs d’une chose : ces deux murs d’explosions se rencontreront dans 10 jours au niveau d’une ligne qui traverse la Bretagne, le Portugal et la côte ouest africaine, après avoir détruit l’ensemble de la surface terrestre. Lili-Ann est étudiante et compte bien gagner la Bretagne pour vivre ses derniers instants avec ses proches. Valentin, lui, restera sur Paris avec sa mère trop fragile pour prendre la route. Quant à Sara et Gwenaël, ils se rendront sur la côte pour que la première puisse se plonger dans un dernier bain d’humanité en une ultime fête gigantesque et le second, pour avoir le temps de mettre sur papier ce roman qu’il porte en lui et qui le hante. Ils ont 10 jours pour choisir comment et avec qui ils vivront leurs derniers instants. Dix jours pour se défaire de ce qui les entravent depuis des années et mettre de côté tout faux-semblant… Manon Fargetton nous propose un roman choral où les chapitres s’égrènent au fil d’un compte à rebours, de l’annonce de ces explosions à l’arrivée de celles-ci. Au fur et à mesure du décompte, les chapitres se font de plus en plus courts. On "zappe" d'un personnage à l'autre, d'un état d'esprit à l'autre. Plus le temps de s'appesantir sur les détails, juste aller à l’essentiel. La catastrophe va jeter sur les routes des centaines de milliers de personnes autour de nos personnages. Rien ne les prédisposait à se rencontrer mais leur destin ainsi que celui d’autres vont se retrouver inextricablement liés, guidés par une chaine d’évènements et de coïncidences. Tout comme eux, le lecteur en vient à se demander s’il y a un sens derrière tout cela, si ces rencontrent ne forment pas un dessin plus large dont on prendra la mesure sur la fin. On éprouve comme eux le besoin de se rassurer, d’essayer de donner du sens à ce qui ne peut en avoir. Si la première partie du roman s’annonce comme un road-trip survivaliste, la seconde partie s’en écarte progressivement. Oui les personnages continuent d’avancer mais de plus en plus sur le plan psychologique et non plus sur le plan physique. A l'approche de la mort, les masques tombent petit à petit, volontairement ou de fait. Les personnages se dépouillent progressivement de tout faux-semblant. Plus moyen de cacher ses failles, ses fêlures. Chaque personnage fait ainsi le choix de renouer avec son individualité ou bien de se perdre dans la masse, de gouter à l’authenticité ou à l’oubli de soi. Et comme eux, le lecteur se projette, essaye de s’imaginer comment il souhaiterait vivre ses derniers jours. A l’image de cette vague d’explosions, le lecteur est traversé par des vagues d’émotions plus ou moins contradictoires ou convergentes. Certaines réactions de personnages trouvent plus ou moins d’écho en nous. Petit à petit, une seconde thématique émerge avec le personnage de Gwenaël dont les pages de son roman se glissent au cœur du récit, prenant de plus en plus de place et s’intriquant plus intimement avec le réel. Gwenaël est un personnage écrivain, rattrapé par sa propre fiction, à la fois nourri mais aussi noyé dans son œuvre. Le lecteur le voit de plus en plus vidé de sa substance, fondre physiquement tandis que son roman, lui, prend de la consistance. La frontière devient poreuse entre le réel et l'imaginaire et le roman devient un écho déformé de la réalité. Souvent les auteurs disent que leurs personnages vivent en eux, avec eux, pendant des mois, des années. Avec une vie propre qui apparaît petit à petit, les personnages deviennent autonomes presque à l'insu de leur créateur. Gwenaël en fait l’expérience et se retrouve à coucher sur le papier l’histoire de ses camarades sans que ceux-ci n’aient eu à la lui dévoiler. Est-ce le fait d'avoir suivi les anecdotes d'écriture de l’autrice sur les réseaux sociaux, toujours est-il qu'on a un sentiment de perméabilité entre l'écrit et ce que l'autrice a mis de soi. Des clins d'œil évidents, comme le choix du cadre en Bretagne, un personnage écrivain ou un vieux monsieur qui joue du violoncelle dans les dernières heures du monde. J’ai assisté il y a quelques jours à une conférence où Manon Fargetton expliquait combien le roman Déluge d’Henry Bauchau avait eu un impact sur elle et je n’ai pu m’empêcher de faire un parallèle entre ce personnage peintre qui se consume pour son œuvre et le personnage de Gwenaël. Dix jours avant la fin du monde est un roman à la croisée de plusieurs genres : le roman apocalyptique, le road-trip mais aussi le roman psychologique, dont il y aurait encore beaucoup à dire. Avec un roman aussi riche, les impressions à la lecture sont multiples et il est difficile d’ordonner et de mettre des mots sur toutes ces émotions qui nous traversent. Pour ma part, c’est un roman qui m’a secouée, qui m’a fait vivre de multiples sentiments plus ou moins contradictoires. J’y ai vu de nombreux symboles et parallèles. La fin m’a laissée scotchée parce qu’abrupte (et oui c’est une fin ouverte…) mais aussi pensive sur la symbolique quasi mystique et la portée du message transmis par le roman à l’intérieur du roman. Je ne suis pas sure d’en avoir toutes les clés mais au moins je sais de quoi je parlerai lorsque je recroiserai l’autrice lors d’un salon…😉 ... Très Bonne Lecture... |