Une fois n'est pas coutume, je voulais saluer la magnifique couverture réalisée par Paul Echegoyen et les Editions Rageot pour le nouveau roman d'Estelle Faye, L'arpenteuse de rêves : une vraie beauté !

Dans cette histoire, nous découvrons Myri, une arpenteuse de rêves, qui a la capacité de pénétrer et d'intervenir dans les rêves des dormeurs. Ce don n'est pas si rare dans la cité de Claren. En revanche, ce qui l'est, c'est qu'une arpenteuse de rêves vive dans la ville basse puisque tous sont recrutés par l'Académie dès qu'ils sont repérés. Mais Miry a caché son don quand elle a compris combien il était dangereux, placé entre de mauvaises mains.
La jeune fille vit avec sa famille de cœur, une famille d'orphelins comme elle. Seulement un mal ronge la ville. Des fantômes ont fait leur apparition et leur présence froide plonge les habitants dans une profonde mélancolie ou bien les laissent captifs de leurs rêves. Quand l'un des siens est menacé par ces fantômes, Myri est obligée de prendre des risques pour le sauver.

L'ambiance de ce début de roman m'a particulièrement plu avec ces spectres immobiles qui peuplent peu à peu les bas quartiers, l'ambiance étrange et mélancolique que leur présence provoque, la pourriture sourde qui semble gagner tout ce qui vit. Toutefois, cette ambiance s'efface peu à peu pour laisser place à des éléments plus classiques, avec des luttes de pouvoir autour de vieilles légendes.

Le gros point fort de ce roman est d'ailleurs son rythme. Entre fuites, recherches d'alliés et sauvetages, cela ne s'arrête jamais ! Cependant, l'ambiance particulière des premiers chapitres m'a manquée. J'aurais aimé que les rêves soient plus développés, que les personnages rencontrés aient plus de consistance et que le mystère les recouvrant traîne moins en longueur.

L'autrice a concentré son propos sur les messages qu'elle souhaitait véhiculer, avec une démarche écologique et humaine qui fait profondément écho avec notre quotidien, auxquels on ne peut rester indifférent.

En somme, une excellente idée de base, des messages forts et nécessaires, mais un récit qui met, à mon goût, un peu trop l'accent sur le rythme au détriment de l'émotion.

Bleuenn, 15 ans, n'est pas ravie de déménager avec son père en Bretagne. Nouvelle dans le lycée, elle est vite classée "élève impopulaire" et subit les moqueries qui vont avec. Heureusement, elle ne tarde pas à sympathiser avec Flora et Lizig, et à l'occasion d'une sortie en forêt de Brocéliande, le trio découvre un grimoire dont les pouvoirs vont peut-être leur permettre de changer ce qui se déroule au lycée.

Si au premier abord on peut penser que Les Enchanteresses va essentiellement parler de magie, il est surtout question de relations adolescentes, de harcèlement et de slut shaming. Il est dommage que l'autrice n'aille pas plus loin dans ces thématiques avec des pistes de sorties de ces mécanismes, mais elle décrit assez bien les effets du groupe et la passivité complice de certains, phénomène qui contribue au harcèlement.

En terme de construction de l'univers, c'est assez succinct. On en apprend très peu sur cette magie même si on a quelques bases mythologiques. Pas de réel apprentissage de cette force qui est plutôt subie. Ce roman se concentre sur les conséquences de se venger du harcèlement que l'on subit quand la magie peut intervenir et faire advenir des éléments qui ne seraient restés que de l'ordre du fantasme normalement.

Autour de notre trio d'héroïnes gravitent pas mal d'autres personnages que l'on identifie assez vite, car très stéréotypés. Si cela facilite l'entrée dans cette histoire, on en vient à regretter toutefois leur manque d'évolution. Il m'a manqué de rentrer plus en profondeur dans leur psychologie pour comprendre le sens de leurs traits de caractère : pourquoi l'un des harceleurs est ce qu'il est alors que ses amis disent qu'il peut être très différent? Pourquoi Bleuenn est aussi inutilement agressive avec son père et sa petite soeur ? Beaucoup de questions sur ce qui animent les personnages et qui n'est pas réellement exploré.
De ce fait, je n'ai clairement pas compris certaine décision/réaction des protagonistes qui me semblaient illogiques quant à ce qu'ils sont et ce qu'on ferait dans cette situation.

Au final, c'est un roman qui se lit vite, qui a pas mal de défauts pour la lectrice de fantastique que je suis. Pour autant, je pense que c'est un texte qui peut plaire aux adolescents (le public cible de ce texte ) surtout si ce sont des lecteurs occasionnels, avec son style très accessible et ses dialogues au langage très oral, qui rappellent pas mal de séries adolescentes.

​Il était une fois, dans un manoir au bord de l'océan, des sœurs que l'on prétendait maudites… Autrefois 12, elles ne sont désormais plus que 9, la mort les emportant une à une...

Bienvenue dans ce conte macabre, sombre réécriture du conte des Douze princesses des frères Grimm, où Annaleigh vit à Highmoor, un manoir insulaire, avec son père, sa belle-mère et ses nombreuses sœurs. Le malheur ne cesse de frapper cette famille qui porte le deuil, décès après décès.  
Nous entrons d’ailleurs dans cette histoire avec les obsèques d’Eulalie, que l’on a retrouvée morte aux pieds d’une falaise. La tragédie a frappé tant de fois la famille, que les villageois murmurent qu'ils sont maudits. Mais, alors que certaines de ses sœurs croient en la réalité d'une malédiction familiale, Annaleigh s’y refuse, persuadée que la mort d'Eulalie n’était pas un accident...

Entre faste des bals, légendes maritimes, La malédiction de Highmoor nous lance dans une ambiance gothique parfaite, où illusions macabres et paillettes se mêlent, où on ne cesse de s’interroger sur l’existence d’une malédiction ou sur des crimes bien plus terre à terre.

J’ai adoré me laisser plonger dans ces fêtes féériques où tout semble un peu trop beau, voire irréel. Comme dans Caraval de Stéphanie Garber, l’autrice nous laisse osciller sur la fragile frontière entre mise en scène, illusion et magie.

L’ambiance est tantôt sombre, poisseuse, voire morbide, tantôt ensorcelante. La folie rôde et on ne cesse de s’interroger sur pourquoi les femmes de cette famille meurent tour à tour.

Il s’agit d’une réécriture parfaite dans le sens où l’autrice a exploité l’essence du conte pour en tirer une histoire complètement originale. J'ai aimé faire des hypothèses, me laisser surprendre, aimé que l’autrice me malmène avec des scènes oniriques qui frisent avec l’horreur. 

Ce roman est un coup de cœur et je vous invite à le découvrir sans tarder.

"- tu es en train de me dire que j'aurai des regrets quoi que je fasse ?
- C'est Kierkegaard qui le dit, pas moi. A mon avis, si tous les chemins mènent au regret, autant faire ce qu'on veut."

Oui, je sais... Fin octobre, il est un peu tôt pour les romances de Noël mais j'avais besoin d'une lecture doudou et Un hiver à pile ou face me faisait de l'œil dans ma pal...

Dans cette romance YA nous découvrons Paige, 17 ans, qui est terrassée par l'angoisse dès qu'elle doit prendre une décision : et si ce qu'elle décidait affectait sa vie de manière irrémédiable ? Et si en faisant un choix, elle se fermait d'autres portes qui auraient été bien plus heureuses ? A force d'indécision et d'angoisse, Paige a le sentiment de passer à côté de sa vie. Ce choix devient cornélien quand elle doit décider de partir quelques jours avec son meilleur ami dont elle est secrètement amoureuse (mais qui enchaîne les conquêtes sans jamais la considérer comme une éventuelle petite amie). Ou bien une semaine à New York, elle qui ne rêve que de voyager.... Décision impossible à prendre jusqu'à ce que Paige prenne un coup sur la tête et que ces deux possibilités prennent vie...

J'adore le principe des vies parallèles et je me suis régalée avec ce roman, découvrant deux histoires où Paige vit et expérimente des choses différentes. Il n'y a aucun sentiment de redondance car l'exploration des deux choix de l'héroïne propose des versions très différentes même si évidemment on retrouve certaines convergences.

J'ai trouvé le personnage de Paige très touchant avec ses incertitudes qui la paralysent, les scénarios qui se jouent dans sa tête à chaque choix. On parle d'anxiété chronique, d'attaques de panique et du handicap que cela représente au quotidien. L'autrice explore également les réactions plus ou moins adaptées de l'entourage face à cela, évoque le fait qu'il n'y a pas besoin d'avoir un passé traumatique pour souffrir d'angoisse et qu'il existe des solutions.

J'étais à fond dans cette romance impossible avec son meilleur ami fan de comédie romantique, qui aime l'idée même de tomber amoureux. (D'ailleurs merci Kara McDowell pour cette inversion du schéma classique où ce n'est pas la jeune fille qui est trop romantique). Je me suis beaucoup reconnue dans les doutes et craintes de Paige et j'ai vibré avec elle sur les messages paradoxaux que lui envoyait son ami.