Après mes lectures de 14-14, Adèle et les Noces de la reine Margot, 42 jours, Les lettres volées…, j'étais impatiente de retrouver la plume de Silène Edgar (et de son compagnon d'écriture Paul Beorn) dans son nouveau roman La Dame des Murs. Cette fois-ci, l'autrice a décidé de nous emmener dans des évènements historiques récents en abordant la vie dans l'ex-URSS et ce fameux mur qui séparait le monde communiste des territoires de l'ouest.

Emma, 15 ans, ne connait que très peu sa grand-mère maternelle, Mara Galanta, une célèbre cantatrice connue à travers le monde. Malgré ses 72 ans, Mara refuse de se laisser appeler mamie et continue à se donner corps et âmes dans le chant au cours de représentations aux quatre coins du monde. Elle passe toujours en coup de vent et ne s'attarde jamais très longtemps auprès de sa fille et de sa petite fille. A côté de cela, Mara est sollicitée par de nombreuses personnes de toute nationalité qui, à travers leurs lettres, partagent avec elle leur vie passée derrière les murs de leur pays. Car Mara Galanta est connue pour avoir elle-même fui la Lettonie pour rejoindre L'Ouest et surtout, elle a chanté au pied du mur de Berlin en 1972. Mais de cela, Mara n'en parle jamais, même pas à sa famille. Alors pour son anniversaire, Emma demande l'impossible à sa grand-mère : qu'elle l'emmène en vacances dans le pays où elle est née, afin de renouer avec son passé.

Ce voyage est l'opportunité pour Emma de découvrir enfin son histoire familiale et comment celle-ci s'inscrit dans la "grande" Histoire, l'occasion de nouer véritablement avec sa grand-mère qui, si elle a franchi son mur, est restée prisonnière de son passé.  Dans ce maelstrom de souvenirs, il est aussi question d'amitié, de celles qui durent toute une vie, de résilience et d'amour.

En parallèle de cette histoire familiale et de cette rencontre entre une grand-mère et sa petite fille, ce récit est l'occasion pour les plus jeunes lecteurs de découvrir de manière vivante et concrète ce que représentait ce mur qui a divisé l'Europe entre L'Est et L'Ouest et l'importance de sa chute en 1989. De ce que cela a représenté pour des millions de personnes qui pensaient que rien ne changerait jamais. Des familles qui ont été séparées pendant presque 30 ans, de la peur quotidienne à l'ombre de ce mur, mais aussi les espoirs des peuples qui ont vécu le communisme.

Comme toujours avec Silène Edgar, on retrouve une écriture très abordable, avec une démarche historique pédagogique, sans pour autant que le récit ne soit dénué d'émotion ou de gravité.

Si le dénouement de cette histoire semble témoigner que les choses peuvent bouger, les lettres bouleversantes que reçoit la Dame des murs (écrites par Paul Beorn) nous rappellent que les politiques isolationnistes et répressives sont toujours à l'œuvre dans certaines parties du monde et combien cela continue à détruire des vies, des avenirs.

Une lycéenne que tout porte à croire assassinée, 3 filles de sa classe possiblement suspectes, l'ambiance pesante d'une petite ville américaine, de sombres secrets… voilà les ingrédients que vous allez trouver dans The good Girls...!

Le lycée de la petite ville de Jefferson est en émoi quand une vidéo montrant Emma Baines précipitée par un inconnu dans les rapides de la rivière locale envahit les réseaux sociaux. Son corps n'est pas retrouvé mais tout le monde sait que la rivière, La Fuite d'Anna, est implacable. Très rapidement, les soupçons de la police se portent sur 3 camarades de la jeune fille : Claude, une élève à l'aura sulfureuse, toujours au cœur des scandales et des rumeurs. Avery, une jeune fille à l'image impeccable, peut-être un peu trop sage justement. Et Gwen, une élève ambitieuse, en concurrence directe avec Emma pour l'obtention d'une bourse. Qu'ont en commun ces jeunes filles et pourquoi s'intéressaient-elles à Emma ?

Ma première impression à peine lancée dans cette histoire est la qualité de l'ambiance qui se dégage de ce récit. Nous entrons dans cette enquête à travers des chapitres écrits selon différents points de vue, et sous des formes assez variées : récit narratif, mais aussi retranscription d'interrogatoires, échanges de SMS, notes de journal intime, coupure de presse… Autant de diversité d'écriture qui capte immédiatement l'attention du lecteur. Si ce n'est pas l'urgence effrénée de tourner les pages pour découvrir ce qui se cache sous ce meurtre qui saute aux yeux aux premiers abords, on est en revanche immédiatement saisi par l'ambiance pesante qui semble régner dans cette petite ville. La tension est toutefois présente, montant crescendo en parallèle des révélations qui nous sont apportées et de notre prise de conscience de l'ampleur de ce qui s'est déroulé.

Ma crainte avec les thrillers ado se passant aux EU, est de tomber face à nombre de clichés. L'autrice frôle parfois ce travers sans jamais toutefois basculer pour autant dans la caricature. Si les caractères des personnages semblent assez typés, l'autrice sait en jouer et apporter de la profondeur.

On découvre les dessous de la vie dans une petite ville américaine, avec en ligne de mire pour les jeunes qui y vivent, la reproduction de la vie de leurs parents ou l'espoir d'être acceptés par une université, à condition d'en avoir les moyens. La pression que cela fait peser sur les épaules de ces adolescents et la mise en concurrence à laquelle cela oblige est assez terriblement bien rendue dans ce récit.

L'autrice dénonce le jeu des apparences dans une petite communauté où les langues sont promptes à juger et détruire, et où, si les adolescents ne sont pas toujours irréprochables, leurs parents ne le sont pas beaucoup plus.
Les dessous de cette histoire sont sordides mais parfaitement dans l'air du temps et parleront aux ados qui découvriront cette histoire. Les personnages sont plus complexes qu'il ne semble au premier abord et l'autrice nous offre une représentativité sexuelle bienvenue.

Ask Amy est un roman particulièrement atypique puisqu'il est rédigé dans son intégralité avec des échanges de SMS, de mails. Aucune narration classique ici, ce qui donne une lecture qui bouscule les codes.

Ask Amy est un site internet qui rencontre un succès fou. Sur ce site où on vous promet l'anonymat, vous pouvez poser n'importe quelle question à Amy, de la couleur de la robe qu'il vaut mieux porter pour un premier rencard, à la résolution d'un problème de maths, ou pour évoquer une situation familiale complexe. De l'autre côté de l'écran, Amy vous répond. Personne ne sait qui est véritablement Amy mais sa plateforme est très populaire auprès des jeunes étudiants. Jusqu'à ce qu'un bug informatique révèle les identités des auteurs des messages…

Je ne vous en dirais pas plus sur le pitch car Ask Amy est un récit très court et la résolution de ce thriller arrive rapidement. Car celui ou celle qui se cache derrière Amy ne semble pas finalement animé de si bonnes intentions et l'on découvre peu à peu les strates de ce qui s'apparente à un piège.

Le gros plus de ce roman est sa narration des plus atypiques, avec des échanges des retranscriptions d'échanges de mails, de coupure de presse, de pages du site internet. Le travail éditorial met parfaitement en avant cette originalité. En revanche, cela demande pas mal de concentration pour repérer qui est qui, et se repérer dans les échanges (d'autant que l'on n'est pas toujours sûr de certaines identités). De même, il faut complètement reconstruire la narration, ce qui demande une certaine gymnastique quand on réalise que certains événements ne s'inscrivent pas dans la même temporalité que d'autres.

La contrepartie d'un tel choix est que l'on ne peut s'attacher aux personnages : ils sont trop nombreux et croisés bien trop brièvement pour la plupart pour avoir une chance d'être en empathie avec eux, même si les sujets abordés ont de quoi faire frémir et sont plutôt lourds.
Le second revers de ce choix narratif est que le récit va très, voire trop, vite. On a à peine le temps de comprendre qu'un problème existe que l'on aborde pratiquement sa résolution. Cela est bien dommage car ce que cache ce site est bien pensé et aurait de quoi donner matière à un thriller très prenant. A mon avis, il manque une centaine de pages pour pallier à ces principaux défauts.

À peine le second tome de Magic Charly est sorti que je me suis jetée dessus pour le dévorer ! Il faut dire que j'ai gardé un excellent souvenir du premier tome de cette saga jeunesse qui allie des personnages attachants, finement travaillés, un univers qui pétille de magie et une écriture aux petits oignons. Loin des défauts du fameux tome de transition, j'ai de nouveau passé un excellent moment de lecture sous la plume d'Audrey Alwett.

On retrouve notre duo de personnages, Charly et Sapotille, toujours plongés jusqu'au cou dans les ennuis, dans cet univers qui, sous le couvert de prouesses magiques, n'en est pas moins un monde inégalitaire où les injustices s'accumulent. Charly et Sapotille en ont fait les frais dans le premier tome et nous les retrouvons au moment où ils exécutent leur condamnation dans l'école pour jeunes magiciers délinquants de Saint-Fouettard.   

Pour vous aider à visualiser ce lieu, prenez l'image de Poudlard, son côté rassurant et grandiose… Vous y êtes ? Et bien Saint Fouettard est son antithèse ! L'autrice s'amuse à détourner l'image chaleureuse de cette fameuse école magique en nous proposant une immense bâtisse lugubre où les enfants sont livrés à eux-mêmes, sous l'œil scrutateur d'un directeur et de ses créatures à l'affut du moindre signe de rébellion, d'un croquemitaine prêt à croquer les orteils des enfants.

Les deux jeunes magiciers sont face à des adversaires redoutables, élites de cette société, avec à leur tête le juge Dendelion. L'amitié qui unie Charly et Sapotille, combinée à leur intelligence, ne sont pas de trop pour lutter contre les machinations qui les visent, et espérer sauver la grand-mère de Charly et Maitre Lin.

N'allez pas croire pour autant que le ton de ce roman est mélodramatique puisque toute cette noirceur est contrebalancée par de nombreuses pointes d'humour, de nouveaux personnages prêts à semer la pagaille et de beaux messages de tolérance portés par nos jeunes héros. On assiste à des courses épiques de citroles, on croise des licornes imbues d'elles-mêmes ou des créatures qui se nourrissent d'histoires contées. Et surtout, on retrouve le personnage de Jude qui, par son sans-gêne, son énergie et son franc-parler, parvient à désarçonner et user même les plus méchants !

Le tout est parfaitement rythmé, porté par une écriture très facile d'accès qui a la merveilleuse caractéristique de proposer des tournures de phrases d'une grande poésie. Le dosage entre développement des personnages, messages véhiculés, et action est bien dosé. L'autrice conclut ce second tome sur un aspect de son univers qui avait été jusque-là seulement évoqué, ce qui promet de maintenir notre curiosité à son summum pour la fin de cette histoire.