LES LARMES DE SHIVA
Auteur : César Mallorqui
Éditeur : Éditions Michel Lafon
Nombre de Pages : 253
Date de Parution : 6 juin 2019
Mon Avis : (Garanti sans spoilers)
Ce n’est pas souvent qu’un auteur ibérique est traduit en littérature SFFF mais le succès Des Larmes de Shiva lui a permis de franchir les Pyrénées pour rejoindre nos bibliothèques. Les éditions Michel Lafon ont fait le choix d’une couverture particulièrement mystérieuse, saupoudrée d’un synopsis qui nous promet des secrets de famille, un fantôme et un objet précieux disparu, combo imparable pour une lecture estivale. L'été 1969, Javier a 15 ans et le monde entier a les yeux tournés vers l'espace, dans l'attente des premiers pas de l'homme sur la Lune. Le père du garçon a contracté la tuberculose et les deux fils de la famille sont séparés et envoyés dans de la famille en province, le temps de sa convalescence. Javier quitte donc Madrid pour gagner la ville côtière de Santander, au nord de l'Espagne, où l'attendent sa tante et son mari, ainsi que leurs quatre filles. Issue d'une famille bourgeoise ruinée, ils vivent des rentes des inventions de son oncle Luis dans leur Villa, la demeure familiale depuis plus d'un siècle. Alors que Javier se fait à la douce langueur des jours d'été dans cette demeure où le temps semble s'être arrêté, il découvre qu'un crime non résolu a entaché l'histoire de cette famille il y a 70 ans. Beatriz Obregon, l'une de leurs ancêtres, a disparu la veille de ses noces avec un inestimable collier d'émeraude, jetant l'opprobre sur sa famille. A ce jour, le collier n'est jamais reparu et cette histoire alimente encore des décennies plus tard la haine de la famille du fiancé spolié. Avec l'aide de sa cousine Violeta, le jeune garçon se lance dans les recherches pour découvrir qui était cette parente éloignée dont la présence est encore palpable dans la vieille demeure. Si Javier a 15 ans au moment des faits, c'est l'adulte qu'il est devenu qui fait le récit des années plus tard de cet été qui a constitué une parenthèse étrange dans sa vie, avec le regard, le langage et les interprétations de l'adulte sur ce qu'il était. Le parler de Javier en est le reflet, avec un langage élaboré, très différent de ce qui s'écrit actuellement en littérature adolescente, mais qui séduit par son charme désuet. Le roman oscille entre différentes temporalités : tourné vers l'avenir avec cet évènement incroyable du premier pas sur la Lune, une plongée dans le passé et la résolution de la disparition de Beatriz Obregon en 1901, le tout dans le présent immobile du régime franquiste. Si le mystère qui entoure Beatriz et la disparition des Larmes de Shiva est au final assez classique, il n'en reste pas moins que le lecteur reste impatient de connaitre le dénouement de cette enquête vieille de 70 ans. Celle-ci est évidemment très difficile à mener puisque la plupart des témoins de cette époque ont disparu et que nous sommes en 1969 où internet et les moyens de recherche modernes n'avaient pas encore fait leur apparition. On assiste donc à une enquête à l'ancienne, où seuls les objets du passé et quelques souvenirs rescapés des témoins de l'époque apportent les réponses. Bien plus qu'une enquête, ce roman est le tableau d'une époque, celui de l'Espagne alanguie de la fin des années 60 qui se débat avec la dictature, tout autant qu'un roman d'apprentissage. A 15 ans, Javier est sur le point de bascule où il quitte l'enfance, la fin de l'innocence. C'est l'homme désormais adulte qui revient avec un brin de nostalgie sur cet été qui a tout fait changer, à la fois sa vision de l'existence mais aussi cette expérience qui a façonné l'homme qu'il était amené à devenir. Le roman est émaillé de toutes ces dernières joies enfantines et des premières découvertes adultes : la dernière fois où Javier joue avec ses amis "comme des enfants", ses premiers émois amoureux, sa première cuite, la résonance qu'il éprouve à la lecture de L'Attrape-cœur de Salinger, écho de la difficulté et de la peur à devenir adulte. Ces thématiques donnent un charme désuet à cette lecture et éveille pas mal de nostalgie chez le lecteur. |
Les Larmes de Shiva est un roman à la croisée de plusieurs styles, l'enquête historique teintée d'une touche de paranormal, une autobiographie fictionnelle qui nous dépeint avec nostalgie une époque mais aussi une façon de vivre qui s'abstrait du temps et enfin un roman d'apprentissage, avec ce regard bienveillant de l'adulte d'aujourd'hui sur l'adolescent qu'il a été. Le rythme est loin d'être haletant, pour autant, le lecteur se laisse complètement séduire par ce récit doucement nostalgique qui s'accorde merveilleusement bien à la période estivale. |
... Bonne Lecture ...
pour leur confiance