Titre : Elle est le vent furieux
Auteur : Marie Pavlenko ; Sophie Adriansen ; Marie Alhinho ; Coline Pierré ; Cindy Van Wilder ; Flore Vesco
Editeur : Editions Flammarion jeunesse
Nombre de Pages : 291
Date de Parution : 06 janvier 2021
Mon Avis : (Garanti sans spoilers)
S'il est un ouvrage que j'attendais en ce début d'année, c'est le recueil de nouvelles Elle est le vent furieux, co-écrit par 6 autrices, sous l'impulsion de Marie Pavlenko. Pendant longtemps, la nouvelle n'était pas le format que j'affectionnais le plus, mais je redécouvre depuis quelques temps le plaisir des récits courts qui mettent en avant un évènement clé dans l'histoire d'un personnage, souvent à la croisée du récit tranche de vie et du roman d'apprentissage. Alors quand 6 autrices dont j'apprécie la plume, s'unissent pour prêter leur voix à une alerte écologique sous le couvert d'un récit fantastique, je ne peux qu'être enthousiaste ! Contre l'avis de son majordome, une vieille femme se rend dans une grande ville, portée par une mystérieuse mission. Dans cette métropole, tout n'est que béton, gens pressés et agressifs, insensibles à ce qui les entoure. Personne n'ouvre les yeux sur les trottoirs sales, l'odeur nauséabonde qui baigne les rues, sur les quelques arbres qui survivent chichement, plantés dans leur grille de fer, à la nature qui n'a plus sa place parmi les hommes, ni à cette femme que tous bousculent sans état d'âme. A son retour chez elle, Dame Nature, ne peut plus trouver d'excuse à l'Homme qui, d'année en année, asservit la Terre qui l'accueille et n'en prend pas soin. Malgré ses nombreux avertissements - augmentation des températures, tempêtes de plus en plus nombreuses et violentes - l'Homme n'a que faire de conserver le lien avec le sol qui le nourrit, s'obstinant à ne pas comprendre qu'il met à mal les ressources qui lui permettent d'exister. La colère de la nature sera implacable et il n'est pas sûr que l'homme y survive… Dans ce recueil de nouvelles, Marie Pavlenko donne carte blanche à 5 autrices pour imaginer la vengeance de Dame nature, se prêtant elle-même à l'exercice. Des récits très différents bien que pointant les mêmes travers de nos comportements, et qui explorent les avant, pendant ou après la catastrophe. Au-delà des thématiques abordées, certaines nouvelles s'apparentent à des exercices de style, tout particulièrement celle de Marie Alhinho, écrite en vers libres, ou bien celle de Flore Vesco qui évoque le recyclage des mots (Oui! Oui! Vous avez bien lu !), avec une jolie mise en abyme de cette idée, l'autrice "recyclant" les mots des précédentes nouvelles pour écrire la sienne. Bien qu'il s'agisse d'un recueil de nouvelles, la nouvelle d'ouverture qui sert de prologue et l'épilogue, donnent une ligne directrice au recueil et donnent une sorte de guide à l'histoire. Quand il s'agit d'un recueil de plusieurs textes, il est usuel d'avoir plus d'affinités avec certains récits que d'autres, ce qui a été le cas ici. J'ai trouvé certaines nouvelles assez conventionnelles, surtout si on est habitué à lire de la science-fiction, avec parfois des évènements un peu convenus, ou bien la forme de certains messages un peu maladroite. Le format de ce recueil est une invitation à sortir des sentiers battus, le filtre de l'imaginaire se prêtant particulièrement bien au thème, et si certaines s'y sont lancées sur la pointe des pieds, d'autres ont exploré cet aspect avec brio. Deux nouvelles m'ont particulièrement marquée avec, en premier lieu, celle de Coline Pierré, Nos corps Végétaux, dont l'écriture recèle à la fois des vérités bien pointées, quelques touches d'humour malgré le contexte qui ne s'y prête pas forcement, mais aussi beaucoup de poésie, de sensibilité et de pudeur. J'ai aimé la symbolique de cette nouvelle, les messages sur l'image de soi, l'acceptation, tout autant que le message écologique. La seconde nouvelle est celle de Marie Alhinho qui va sans doute en surprendre quelques-uns si vous ne connaissez que ses écrits jeunesse, mais qui est à l'image des univers qu'elle aime imaginer et de sa sensibilité. Sauvée des eaux est écrit en vers libres, un procédé qui, pour ma part, me place au cœur des mots et des émotions, et que j'affectionne tout particulièrement. Nous plongeons au cœur d'un récit bref mais percutant, d'un réalisme sombre, qui nous rappelle combien la nature de l'homme peut être mauvaise et qu'en cas de catastrophe, certains trouveront toujours le moyen d'exploiter la situation, le plus souvent au détriment des plus faibles. Alors qu'on s'imagine dans un idéal, assister à un élan de solidarité, à une prise de conscience face à ce qui s'annonce comme l'extinction de l'espèce humaine, l'homme s'obstine dans ses travers. Un texte qui claque et qui secoue ! |
Elle est le vent furieux est l'une des très bonnes surprises de ce début d'année, avec un collectif d'autrices aux textes sensibles, forts et engagés, portés par une très belle couverture, aussi féminine qu'envoutante. Un recueil sur lequel il faut absolument se pencher ! |