Titre : Et pourtant le bonheur est là
Auteur : Enrico Galiano
Editeur : Editions Pocket Jeunesse
Nombre de Pages : 504
Date de Parution : 10 juin 2021
Mon Avis : (Garanti sans spoilers)
C'est avec les échos d'une lecture étrange et poétique que je me suis décidée à me lancer dans Et pourtant le bonheur est là, complètement séduite par cette couverture captivante. Gioia a 17 ans et est une jeune fille atypique : le plus souvent plongée dans son monde intérieur, elle ne donne à voir aux autres que des comportements qui semblent bizarres ou étranges. Elle cache que chez elle, c'est l'enfer, entre une grand-mère grabataire, une mère qui cède facilement à l'alcool et aux aventures d'un soir, et un père violent et instable. Gioia n'a pas d'ami si ce n'est Tonia, une fille imaginaire qu'elle a dotée d'une franchise et d'un franc-parler à toutes épreuves. Sa vie est terne et sans perspectives jusqu'à sa rencontre avec Lo. Lo est étrange lui-aussi : il se ballade toujours avec un bocal de cailloux, joue aux fléchettes uniquement la nuit à la terrasse d'un bar fermé, et surtout, il semble totalement comprendre Gioia… J'ai dévoré Et pourtant le bonheur est là dont les chapitres courts et le style fluide rendent cette lecture facile d'accès. J'avais hâte de connaitre ce qu'il allait advenir de Gioia et de Lo. Pourtant, malgré cette "avidité", je referme ma lecture avec un sentiment très clivé… J'ai beaucoup aimé Gioia, son tempérament atypique et sa façon de voir le monde, même si celui-ci ne l'aide pas du tout à s'intégrer. J'ai aimé son cheminement personnel, sa façon d'évoluer au fil de ce qu'elle doit comprendre et affronter. J'ai également aimé les "à côté" : la philo à travers son prof qui est juste incroyable ! (Franchement, si on avait tous des enseignants de cet acabit, la philo aurait été bien plus passionnante !) J'ai également adoré la passion de Gioia à recueillir des mots dont on ne possède pas de traduction équivalente dans notre langue, sa fascination pour leur capacité à exprimer des choses habituellement incommunicables ou insolites. Mais aussi cette collection de petits cailloux, souvenirs de moments clé d'une vie, ou sa volonté de photographier les gens de dos pour saisir leur vérité. Pourtant, j'ai eu des passages qui m'ont mises mal à l'aise durant ma lecture, sans que je ne parvienne sur le coup à pointer exactement en quoi. Ce n'est qu'à froid, en en discutant avec des amies qui m'ont aidée à pointer concrètement ce qui gênait, que j'ai réalisée combien l'écriture de l'auteur minimisait certains évènements. Lorsque Gioia fait l'amour avec Lo pour la première fois, elle est terrorisée et verbalise des doutes. Pourtant, Lo poursuit, partant du principe que sa compagne a transmis un "oui des yeux", sans chercher à en savoir plus, puisque lui en a envie. Cette scène, cette absence de consentement ou tout du moins, cette suprématie de l'envie masculine sur le désir féminin, pourrait être remise en question par la suite mais en fait plutôt l'acte fondateur de leur couple. Le cœur de mon malaise se situait là. Et ce qui me gène encore plus, c'est d'avoir dû en discuter avec d'autres pour véritablement en saisir la teneur. Si j'ai eu du mal à comprendre ce qui me dérangeait, il n'est pas sur qu'un plus jeune lecteur puisse comprendre ce qu'il y a de perturbant dans cette façon de faire et de penser… A cette image, la relation entre Lo et Gioia est tout autant un chemin de construction qu'une relation toxique, et, si ce message est évoqué à travers la parole de certains personnages secondaires, ce n'est, au final, pas le message qui prédomine. |
Et pourtant le bonheur est là est donc une lecture très, très partagée : j'ai adoré certains éléments et j'en regrette avec autant de force d'autres. Il est dommage que les aspects toxiques de cette relation n'aient pas été beaucoup plus pointés par l'auteur car les plus jeunes lecteurs auront peut-être du mal à saisir en quoi certaines pensées/façons de faire sont à dénoncer et remettre en question. |