
Titre : La Vie vue d'en bas
Auteur : Stacey Lee
Editeur : Editions Milan
Nombre de Pages : 393
Date de Parution : 17 mars 2021
Mon Avis : (Garanti sans spoilers)
Stacey Lee est une autrice américaine dont les œuvres mêlent fiction contemporaine et historique. Deuxième roman de l'autrice traduit en français, La vie vue d'en bas nous entraine dans l'histoire des migrants chinois au lendemain de la guerre de Sécession. Dans ce roman, nous découvrons Jo Kuan, une jeune femme de 17 ans, descendante des premiers migrants chinois aux Etats-Unis, dans la ville d'Atlanta à la fin du 19ème siècle. Jo, modiste aux doigts de fée, est pourtant renvoyée malgré son talent, parce qu'elle est une femme chinoise à la langue intelligente un peu trop déliée : il n'est pas bien vu par la bonne société d'Atlanta qu'une femme, qui plus est de couleur, puisse se permettre d'avoir un peu trop de sens de la répartie... Jo se retrouve contrainte de redevenir domestique dans l'une des maisons bourgeoises, sous la coupe de la jeune Caroline Payne, qui ne la porte pas dans son cœur. Mais le soir, cachée dans le petit sous-sol où elle habite avec son père adoptif, Jo décide de lutter contre les nombreuses injustices qu'elle observe, en envoyant des articles à un journal local, signée du doux nom de Miss Sweetie, articles dans lesquels elle égratigne avec humour et subversivité les travers de la bonne société. Chroniques qui ne tardent pas à avoir leur petit succès, auréolé d'un parfum de scandale. Cette histoire prend place à un tournant de l'histoire américaine, quelques années après la fin de l'esclavagisme et l'obtention des maigres droits par les personnes noires, et juste avant l'arrivée des lois ségrégationnistes. Au milieu de tout cela, on découvre l'histoire de ces migrants chinois qui ont peu ou prou remplacé les esclaves noirs, avec des conditions de vie inhumaines. Cantonnés aux métiers les plus difficiles, sous payés en raison de leur couleur de peau, et interdits de faire venir leur famille auprès d'eux. Entre ces grands faits, on entrevoit les mouvements des suffragettes, ces mouvements féminins qui ont œuvré notamment pour le droit de vote des femmes. On en découvre également les tristes dessous, avec ces femmes blanches qui refusaient de s'allier à des femmes de couleur, quand bien même elles cherchaient à obtenir les mêmes droits. Jo est une héroïne à laquelle on s'attache immédiatement : elle est intelligente, déterminée, et entend bien se battre pour ses proches et amis. Sa plume est doucement caustique et il est intéressant de voir comment elle utilise ce qu'elle vit pour alimenter ses chroniques avec un style incisif masqué derrière d'intelligentes métaphores. Elle utilise avec intelligence les colonnes du journal pour pointer avec humour et sarcasme les problèmes de société, notamment les injustices qui touchent les femmes et les personnes de couleur. Ces mots subversifs provoquent l'agitation de la société d'Atlanta, qui voit certaines femmes oser chevaucher une bicyclette ou questionner le sens d'un mariage, tandis que d'autres cherchent à pendre haut et court cette femme qui sème le trouble avec ses idées. Ce roman est un véritable voyage dans le temps puisque Stacey Lee s'appuie sur des faits historiques réels, auxquels elle a ajouté quelques notes en fin de roman pour préciser certains éléments, notamment les lois ségrégationnistes qui ont frappé les personnes noires mais aussi les sino-américains. C'est un pan de l'histoire américaine assez méconnue je pense pour les européens et cette fiction historique est une excellente façon de se pencher sur ces faits. Le style est fluide, l'autrice adoptant un rythme tranquille pour nous plonger dans cette histoire dont on devine assez facilement certaines révélations ou directions de l'intrigue. C'est sans doute le point faible de cette histoire qui, malgré l'importance des thématiques abordées, manque de tension dramatique. Tous les éléments sont présents pour avoir un récit qui nous prenne aux tripes quand on découvre les injustices flagrantes, le racisme assumé, mais l'autrice choisit des voies de résolution un peu trop faciles et, au final, manquant de réalisme au regard des mentalités de l'époque. |
La vie vue d'en bas est une fiction historique agréable qui met en avant l'histoire des premiers sino américains, mais aussi les combats féministes et anti ségrégationnistes de la fin du 19ème siècle. Un roman aux thématiques importantes qui manque toutefois d'un peu de tension dramatique pour être véritablement parfait, mais qui se laisse lire avec plaisir. |
... Bonne Lecture ...
pour leur confiance