Titre : Missouri 1627
Auteur : Jenni Hendricks & Ted Caplan
Editeur : Editions Bayard
Nombre de Pages : 361
Date de Parution : 24 février 2021
Mon Avis : (Garanti sans spoilers)
| Est-il possible d'écrire un roman drôle en parlant d'avortement ? Surprenante juxtaposition de mots et concept assez étrange que d'avoir envie de s'engager dans cette façon de traiter le sujet. Pourtant c'est l'idée de base de Jenni Hendriks et Ted Caplan, les auteurs de Missouri 1627. Avec cette histoire, nous découvrons Veronika, l'élève de dernière année américaine parfaite, telle qu'on se le représente en tout cas : brillante, populaire, reçue dans une prestigieuse fac, une jeune fille qui n'a jamais créé de tracas à ses parents, engagée dans le club de débat de son lycée, future reine de promo… Presque un cliché cette jeune fille. Alors quand elle découvre que son petit ami l'a mise enceinte malgré leurs précautions, c'est une sacrée douche froide ! Il est hors de question qu'elle poursuive cette grossesse non souhaitée mais il est tout autant impossible que les autres apprennent le pétrin dans le quel elle s'est fourrée. Le seul moyen est de se rendre dans une clinique pour avorter et la plus proche de chez elle, sans qu'elle n'ait besoin d'autorisation parentale, se trouve dans l'état du Missouri, à 1627 km de chez elle. Ne pouvant s'y rendre seule, elle se tourne vers la seule personne mise par un coup du hasard dans la confidence, son ancienne meilleure amie, Bailey. Autant de kilomètres à parcourir le temps d'un week-end, sans que personne n'en sache rien. Un road trip chargé de remises en question, de légèreté, de choix difficiles à prendre, de rencontres hasardeuses, l'occasion de se pencher sur la vision de l'IVG aux Etats-Unis, entre liberté des femmes de disposer de leur corps, lois anti IVG restrictives et poids de la religion. Le ton des auteurs se veut léger mais ne tombe pas dans l'erreur de banaliser ou se moquer d'une décision qui marque au fer rouge la vie d'une femme. Bailey par son côté farfelu et épicurien, veut faire de ce week-end, une aventure qui va marquer leur vie, pas que de manière négative. A travers leurs discussions, leurs disputes, les auteurs évoquent tout ce qui accompagne le choix de poursuivre une grossesse ou non : les parents, la culpabilité, la honte, l'avenir, le jugement, la responsabilité, le désir d'enfant, les bouleversements qui vont en découler, l'image donnée à tomber enceinte "trop jeune", le poids très important de la religion chrétienne qui condamne cet acte. Veronika se débat au fil des kilomètres avec toutes ces idées, déposées en elle au fil des années par son éducation, ses parents, la société. Ce roman c'est aussi une histoire d'amitié. Durant 4 ans, Veronika n'a pas adressé la parole à Bailey, ne voulant pas abimer l'image de perfection qu'elle donne aux autres en côtoyant quelqu'un qui se moque autant des conventions. Pourtant Bailey est là, à ses côtés, quand il le faut, tandis que Veronika est incapable de mettre dans la confidence ses "vraies" amies. Ce voyage est l'occasion de revenir sur ce qu'elles ont traversé ensemble, mais aussi le risque de se perdre soi-même à trop chercher à vouloir plaire aux autres. "Ce sont mes meilleures amies, mais pas le genre de personnes à qui je peux parler ouvertement. Notre amitié s'est construite sur des succès, et non sur des échecs." Enfin, ce roman est aussi et surtout un moyen de dénoncer les politiques terriblement restrictives des Etats Unis pour accéder à l'IVG, pour les femmes, et plus encore pour les mineurs : interdire l'accès à l'IVG au-delà de 6 semaines (moment où généralement les femmes prennent conscience de leur grossesse), supprimer les fonds des cliniques pratiquant l'IVG, faisant par exemple qu'il n'existe plus qu'une seule clinique de ce type dans le Missouri. Dans certains états, les médecins qui pratiquent l'IVG, (même après un viol), risquent jusqu'à 99 ans de prison, plus que ne risque le violeur… Le cout est exorbitant, rendant inaccessible ce geste pour nombre de personnes. En France, nos droits sont bien plus protégés mais ce texte nous rappelle que rien n'est acquis et combien il est important de rester vigilant. |
| Missouri 1627 est une lecture tragi-comique sur le sujet difficile de l'avortement aux Etats-Unis autour du droit à disposer de son corps. C'est aussi un road-trip sur fond d'amitié, de questionnement sur les apparences et le risque de se perdre dans l'image que l'on souhaite donner aux autres. Un roman qui se lit tout seul et qui a le mérite de faire réfléchir. |
... Lecture Engagée ...
Je remercie les Editions Bayard
pour leur confiance
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