Titre : Chère Fubuki Katana
Auteur : Annelise Heurtier
Editeur : Editions Casterman
Nombre de Pages : 311
Date de Parution : 28 août 2019
Mon Avis : (Garanti sans spoilers)
Très sensible à la culture japonaise, je n'en reste pas moins une néophyte, ma découverte de cette culture et de ce pays se résumant à la lecture de quelques auteurs nippons et au visionnage d'animés célèbres. Je reste friande d'en apprendre plus sur ce pays fascinant et me suis donc précipitée sur Chère Fubuki Katana à sa sortie, d'autant que c'était l'occasion de découvrir la plume d'Annelise Heurtier, une autrice dont je n'entends que du bien. Emi est une jeune lycéenne, fan de mangas. Sensible et réservée, elle est l'objet depuis plusieurs mois du harcèlement acharné de plusieurs camarades. S'il est déjà difficile dans la culture occidentale de trouver une oreille pour évoquer cette souffrance, cela l'est encore plus au Japon où l'apparence est primordiale et où l'on ne doit pas encombrer l'autre avec ce qui relève de l'intime. "Personne ne devait embarrasser les autres avec ses problèmes. Et c'était bien pour cela qu'on apprenait à les garder en soi. Les problèmes ne se montraient pas." Malgré les campagnes de prévention, il est difficile d'aborder ce sujet avec ses parents et encore moins avec ses professeurs et Emi se renferme de plus en plus, jusqu'à ce qu'elle fasse la connaissance d'Hana. Hana est une bouffée d'oxygène dans la vie d'Emi, initiatrice d'un vent de changement qui pourra tout aussi bien lui offrir une voie de sortie de cette spirale destructrice, que la laisser brisée... Chère Fubuki Katana nous plonge au cœur d'une culture qui nous semble proche de la nôtre mais dont la philosophie ne peut être, au final, plus éloignée de notre culture latine démonstrative. On y découvre un Japon capable de créer un monde dévolu aux plaisirs et au futile avec ses nombreux bars à thèmes, ses love-hôtels, tout en proposant une société rigide et exigeante où l'individu s'efface au profit du groupe. Si le mal-être adolescent est relativement universel, ce roman nous montre combien il est compliqué de s'épanouir dans une société marquée de nombreux tabous, où la réussite sociale et professionnelle est primordiale et où il est impossible d'évoquer ses doutes et sa fragilité. On découvre combien cette société basée pourtant sur la collectivité crée au final de solitude et de stress, obligeant à des parades étranges. On y privilégie les non-dits, on cache à ses proches ce qu'on considère comme honteux, préférant s'inventer une vie fictive ou bien s'en extraire plutôt que de braver les dictats d'une société traditionaliste malgré sa grande modernité technologique. Annelise Heurtier sait nous immerger dans les codes de cette société si différente de la notre tout en nous faisant percevoir que la souffrance et la solitude sont universelles et font écho en nous, quel que soit notre background culturel. Emi, dont nous partageons les pensées, est touchante par de nombreux aspects. La relation qu'elle noue avec Hana et les changements qui s'inscrivent en elle, nous la rendent particulièrement attachante et c'est un plaisir de la suivre au travers de la plume agréable de l'autrice. Le rythme de ce roman est assez lent mais très cohérent avec la délicatesse du sujet et le rythme que l'on trouve habituellement dans les récits japonais. L'histoire gagne en émotion peu à peu jusqu'à une fin qui m'aura profondément touchée. J'y ai découvert de nombreux aspects de la vie japonaise qui m'étaient inconnus et j'ai été heurtée en découvrant les ségrégations qui y ont toujours cours. |
Chère Fubuki Katana est un roman jeunesse qui nous dépeint avec sensibilité l'éveil d'une jeune fille à travers une amitié qui va marquer sa vie. C'est aussi un roman sur la résilience, sur la capacité à pardonner et à renaitre, et enfin une immersion dans la culture Nippone, oscillant entre traditionalisme et modernité, extravagance et rigueur. |