
Titre : Désorientée
Auteur : Marine Carteron
Editeur : Editions Casterman
Nombre de Pages : 324
Date de Parution : 6 novembre 2019
Mon Avis : (Garanti sans spoilers)
Marine Carteron est une autrice dont les romans Les Autodafeurs, Génération K ou dernièrement sa réécriture des Dix petits nègres, Dix, ont connu de francs succès. Avec Désorientée, l’autrice change de registre avec un roman contemporain qui, au-delà d’évoquer un sujet très actuel autour du filtrage de l’accès aux études supérieures, traite avec sensibilité de la difficulté de trouver sa place et de se projeter dans une vie d’adulte alors même qu’on sort à peine de l’enfance. Louise est en terminale. Élève discrète mais brillante, élevée dans une famille aisée, presque tout est possible pour son avenir. Si tout le monde à une idée de ce qu’elle doit faire plus tard, à l’instar de sa mère ou de ses conseillers d’orientation, Louise, elle, n’en a aucune idée. Façonnée par les désirs des autres, elle n’envisage qu’avec angoisse la suite de son parcours scolaire, n’éprouvant elle-même aucune envie et n’étant portée par aucun rêve, si ce n’est s’extraire de cette chape conformiste qui pèse sur ses épaules. A ses côtés, son amie de toujours est tout son contraire : véritable feu follet, Manon croque la vie à pleine dents, fourmille de projets, tombe amoureuse tout le temps et a placé la satisfaction de son plaisir au centre de sa vie. Cette amitié est tout en ambiguïté : Louise souffre de l’égoïsme de son amie tout en éprouvant une fascination pour sa capacité à jouir de la vie, faisant ressortir en creux son absence de désir. Louise a une année pour démêler les envies et craintes qui la traversent, une année pour essayer de se trouver. Avec Désorientée, nous plongeons dans un récit intimiste et introspectif, porté par les pensées de Louise sur cet avenir qui s’ouvre à elle. Beaucoup trop lucide pour accepter de rentrer dans les cases qu'on trace pour elle, elle souffre toutefois de ne pas savoir quelle direction prendre. Si la plateforme Parcoursup semble avoir une importance au début de ce récit, c’est surtout le paradoxe de voir s’ouvrir des dizaines de voies d’avenir possibles tout en acceptant que toutes vont se refermer sauf une, qui est au cœur de ce roman. Comment ne pas tomber dans le gouffre vertigineux des "Et si ?", s'imaginer comment sera sa vie, et surtout comment savoir si la réussite professionnelle permettra d’accéder au bonheur. Pour répondre à ces questions, Louise observe les gens, ceux de son âge, ceux de la génération de ses parents. Elle essaye de faire des passerelles entre ces jeunes plein de vitalité et de projets et ce qu’ils seront dans 20 ans. Véritable jeux de miroir, Louise s’imagine plus tard à travers le couple que constitue ses parents mais l’image n’est pas flatteuse entre sa mère, femme éteinte qui ne revit qu'à travers les désirs qu'elle exprime à la place de sa fille ou son père, homme discret et effacé, qui a été aventureux, avant de devenir "tristement" un avocat d'affaires soumis. Désorientée est un récit étonnant. Bien que plongé au cœur des pensées de Louise, on n'entend jamais sa voix, ce qu'elle a dire. Jeune fille solitaire, étrange et décalée, elle oscille entre mélancolie et une certaine forme de nihilisme. Elle souffre de son absence de désir, ayant appris à le mettre sous silence depuis toujours, et ne sait plus comment lui donner libre court. A côté de cela, Louise à une approche très charnelle de la vie, sensible à la sensorialité de ce qui l’entoure, elle trouve énormément de réconfort à travers ce que dégagent les lieux, les gens. L’écriture de Marine Carteron est impeccable, pleine de finesse, de sensibilité avec une poésie indéniable, elle trace un portrait acide du passage de l’âge sur nos rêves, et au-delà de ça, sur le sens de l’existence et ce qui en fait sa saveur. |
Désorientée est un récit doux amer sur le passage de l’enfance à l’âge adulte, sur ce paradoxe que constitue cette charnière de la vie où tout semble possible et pourtant, où on ne pourra choisir qu’une seule voie. Ce roman introspectif fera écho à tous les lecteurs, quel que soit l’âge auquel on le découvre, parce qu’on s’est tous un jour trouvé à la place de Louise à se dire "et si ?". |
... Un Roman qui interroge ...
pour leur confiance