La Fille qui n'existait pas

Auteur : Natalie C. Anderson
Editeur : PKJ
Nombre de Pages : 405
Date de parution : 1 mars 2018
Mon avis : (Garanti sans spoiler)
"Si tu veux être une voleuse, la première chose à savoir est que tu n'existes pas."
Après avoir fui le Congo, Tina, 5 ans, et sa mère Anju, espèrent reconstruire leurs vies au Kenya. Sa mère trouve rapidement un emploi de domestique auprès de Roland Greyhill, l'un des hommes d'affaires les plus respectés du pays. Tina grandit entre les murs de la propriété mais apprend rapidement que même les personnes de bonne famille ne sont pas aussi respectables qu'elles le laissent paraitre. Alors quand sa mère est retrouvée assassinée dans le bureau de Greyhill et que l'enquête est plus que bâclée, Tina comprend que le patron de sa mère est coupable mais ne sera jamais inculpé, protégé par son argent. Soutenue par son besoin de vengeance, Tina survit durant quatre années dans les rues de Sangui, travaillant comme voleuse pour le gang des Goondas . Et c'est un travail pour les Goondas qui va finalement ramener la jeune fille dans la demeure de Greyhill et lui offrir la chance de ruiner l'homme d'affaires avant de prouver sa culpabilité. Mais le plan ne se déroule pas comme prévu et Tina est surprise par Michael, le fils Greyhill, alors qu'elle pirate l'ordinateur familial. Plutôt que de la dénoncer, Michael lui propose de prouver l'innocence de son père. Tina est convaincue de l'inutilité de la démarche mais accepte toutefois de se replonger dans le passé de sa mère, quitte à découvrir qu'il existe de nombreuses zones d'ombres et que son histoire est plus complexe que ce qu'elle en a perçu enfant. L'intrigue de départ semble assez classique : une vengeance, une rencontre avec le fils de l'ennemie qui va peut-être tout faire changer… on imagine très rapidement la romance se mettre en place… mais je vous rassure, ce n'est pas le cas et ce livre est bien plus que ce qu'il parait ! J'avoue que j'ai eu un peu peur dans la première partie du roman mais l'autrice évite ces écueils avec habileté et l'intrigue prend rapidement de la profondeur. La seconde partie du roman est haletante et l'autrice aborde des thèmes rarement abordés en littérature YA, sans faux semblants mais avec beaucoup de pudeur au vu de la dureté des thèmes. Au final, la découverte du meurtrier de sa mère passe rapidement au second plan tant le mystère qui entoure la vie de celle-ci est prégnant. Plus qu'un thriller, La Fille qui n'existait pas est avant tout un livre engagé sur la condition des hommes et femmes aux prises avec les milices en Centre Afrique. Le récit est très réaliste, jusqu'à la fin qui est parfaite sur de nombreux plans et offre une conclusion très cohérente au regard du contexte et de l'évolution des personnages. Tina est une jeune fille extrêmement déterminée et très pragmatique. Même si c'est la vengeance qui l'anime, elle reste une jeune fille posée qui attend son heure pour obtenir justice. Son ami Skinny très extraverti offre un contraste saisissant avec Tina qui est plus taciturne. Pour nous lecteurs, il est plus facile de s'identifier au 3ème personnage principal, Michael Greyhill, qui a grandi dans un environnement très protégé et occidentalisé, avec des références qui sont proches des nôtres. Il est bienveillant, attaché à son père et refuse d'accorder du crédit aux propos de Tina qui a érigé Greyhill comme le Méchant de l'histoire. C'est un jeune homme profondément honnête qui n'hésite pas à se mettre en danger pour aider son amie d'enfance à résoudre le meurtre de sa mère. Sa gentillesse confine parfois à la naïveté, ses réactions en décalage avec la dureté de la vie dans la rue et le quotidien des familles pauvres. Il est cependant touchant et son regard nous renvoie à nos propres difficultés à concevoir les enjeux politiques et économiques dans les pays de Centre Afrique et notre tendance à ne pas voir ce qui s'y déroule. Dans la même veine que le film Blood Diamon avec Leonardo DiCaprio et Djimon Hounsou, qui traite sans concession des trafics de ressources précieuses dans un contexte de guerre civile, La Fille qui n'existait pas pointe du doigt les grandes entreprises qui profitent et cautionnent plus ou moins directement la corruption et les violences faites aux populations. J'ai eu les larmes aux yeux sur les dernières pages lorsque l'autrice explique que le roman s'appuie sur les confessions de femmes réfugiées. L'histoire de Tina et de sa mère est touchante, mais au-delà de cette fiction, on ne peut qu'être bouleversé par la condition des hommes et surtout des femmes dans ces zones de guerre et admirer le courage quotidien des habitants de ces régions. L'autrice a travaillé auprès de réfugiés congolais et on sent son lien et son affection pour ce pays à travers son écriture. Au-delà de la simple résolution d'une enquête, La Fille qui n'existait pas est l'histoire d'une jeune fille pleine de force qui essaye de comprendre ses racines. Si le début du roman offre un schéma plutôt classique du thriller YA, la seconde moitié du roman casse les codes habituels du genre et abordent des thèmes rarement évoqués dans la littérature adolescente qui ne peuvent que nous toucher. "Les êtres humains sont des créatures complexes, ma fille. Ils ont parfois de drôles de façons de s'expliquer les choses quand ça tourne mal. Ils prennent des raccourcis qui leur permettent de mieux dormir la nuit et de se disculper." |
... Très bonne lecture ...
pour leur confiance