LA LECTRICE T.2 - L'ORACLE
Auteur : Traci Chee
Éditeur : Robert Laffont - Collection R
Nombre de Pages : 592
Date de Parution : 22 février 2018
Mon Avis : (Garanti sans spoilers)
J’avais passé un bon moment de lecture avec le premier tome de la Lectrice et il ne faisait aucun doute que je lirai cette suite. Avec L’Oracle, l’histoire reprend selon un axe que je n’avais pas imaginé en terminant le premier tome. Sefia et Archer sont obligés de fuir et ne cherchent pas à s’attaquer à la Garde. En revanche, ils vont s’atteler à un projet à leur hauteur : s’attaquer aux Estampeurs, ces hommes et femmes qui kidnappent des garçons et les obligent à s’affronter dans des combats à mort. Archer vit un véritable stress post traumatique et alterne des moments de profonde angoisse et le besoin de l’exorciser en utilisant sa colère et sa violence pour affronter ses démons. A sa suite, il entraine les garçons qui comme lui étaient prisonniers des Estampeurs, leurs peurs et colères s’alimentant mutuellement. Les combats s’enchainent au rythme de leur devise "Nous étions morts, mais maintenant nous nous relevons." Malgré le mal qu’il s’inflige, Archer est complètement dépendant de ces accès de violence, à cause de l'excitation que cela lui procure et du sentiment de reprendre le contrôle sur sa vie, "Comme si les bagarres étaient une marée qui en se retirant le nettoyait de son passé, de sa peine et de sa culpabilité. " Le personnage d’Archer devient de plus en plus sombre et Sefia ne peut que se demander si le jeune homme n’est pas le chef de guerre annoncé par les prophéties. Elle-même évolue, en apprend plus sur son don et ses parents. Le duo qu’elle forme avec Archer est particulièrement intéressant car ils sont tour à tour l’ombre et la lumière. Le Livre lui-même devient un personnage à part entière et le lecteur en vient à lui prêter des intentions. Il est à la fois source de connaissance mais aussi de malheur car à la façon des tragédies grecques, tout "ce qui est écrit s’accomplit". De nouveau, l’autrice multiplie les points de vue en consacrant des chapitres à Sefia et Archer, au Capitaine Reed, à la Garde et à d’autres personnages encore, mêlant passé, présent et futur. La mise en page de L’Oracle est travaillée en ce sens avec des impressions de passages du Livre, des marques pages, des apparitions ou disparition de mots. Le lecteur assiste ainsi à une jolie mise en abime du livre dans le livre, avec ses histoires qui s’imbriquent à la façon des poupées russes. Si ce choix narratif avait de quoi déstabiliser le lecteur dans le premier tome, l’habituation fait qu’on gère beaucoup plus facilement ce procédé dans le second tome, malgré le nombre de personnages et de sous-intrigues. Comme pour le premier tome, l’autrice nous fait réfléchir sur le pouvoir des mots, au sens propre comme au sens figuré. Dans un monde où l’écrit est complètement absent, manipuler la lecture et l’écriture permet d’exercer une forme de magie et donc de pouvoir. Dans ce monde de traditions orales, si on veut laisser une trace, il faut vivre des aventures suffisamment marquantes pour qu’elles restent dans les esprits et soient transmises de bouche en bouche. J’ai trouvé cette idée particulièrement intéressante car l’on voit combien ce vide d’écrit modifie les comportements de chacun, les obligeant à vivre des aventures toujours plus exceptionnelles et périlleuses, pour espérer survivre dans le souvenir des autres. "Certains actes étaient si grandioses qu’ils dépassaient les navires et les mortels. Certains actes étaient si grandioses qu’ils survivaient à tout – les petits rois, les mensonges, et ses propres erreurs. En tout cas, c’est ce qu’il espérait." L’Oracle s’avère donc une très bonne suite qui prend de la puissance. Le lecteur se replonge facilement dans ce roman de fantaisy à l’univers très riche et où les personnages et leur psychologie sont très travaillés. L’histoire est à multi facettes et il est vraiment difficile d’anticiper comment l’autrice va mener son histoire. Je suis donc très curieuse de voir comment elle va conclure toute cette épopée. |