Titre : Sortir d'ici
Auteur : Renée Watson
Editeur : Editions Casterman
Nombre de Pages : 312
Date de Parution : 11 septembre 2019
Mon Avis : (Garanti sans spoilers)
Sortir d’ici fait partie des romans contemporains de la rentrée, avec Moon Brothers et Signé poète X, qui me faisait terriblement envie. Comparé en quatrième de couverture à The hate U give (que je n'ai pas lu, honte à moi…), on se projette immédiatement dans un récit qui risque d'être fort en émotions avec des messages qui filent droit au cœur. Jade vit dans le quartier de Northside à Portland, quartier majoritairement Noir où les familles tirent le diable par la queue pour finir les mois et où le taux de chômage atteint des sommets. C'est ainsi que la mère de Jade cumule deux boulots tandis que son oncle squatte chez eux en attendant un travail. Jade ne veut pas d’un tel avenir et rêve d’ailleurs, de voyager et d’aider les autres. Son plus grand espoir serait de partir en mission humanitaire en Amérique du Sud et elle travaille avec acharnement pour y parvenir. Cette excellence lui a permis d’obtenir une bourse pour l’un des meilleurs établissements de la ville, et voilà deux ans qu’elle traverse Portland matin et soir pour gagner un lycée où elle est l’une des rares élèves Noire et pauvre. Pour parfaire son dossier, sa conseillère lui fait intégrer une association nommée Entre Femmes où Jade va être chapeautée durant une année par une marraine, Maxine, afin qu'elle partage tout ce qu’on n’apprend pas à l’école, surtout quand on vit dans un quartier pauvre. Une année où Jade va apprendre à se connaitre et partager ce qu'elle porte au fond du cœur. Le roman nous plonge aux côtés de Jade durant toute une année scolaire, année où nous allons découvrir ses espoirs, ses déceptions, les évènements qui la blessent mais aussi ceux qui l’aident à se construire. Il est facile de se glisser dans les pas de cette jeune fille, de partager avec elle ses attentes et ses échecs. Jeune fille qui tait ses émotions, c'est à travers ses créations de collage qu'elle met en images ce qu'elle a du mal à mettre en mots, des œuvres qui répondent aux problématiques du monde actuel. On s'éloigne des éléments habituels du genre : notre héroïne bénéficie de la présence d'une mère, certes dépassée par l'écart entre son monde et celui vers lequel tend sa fille, mais une mère qui ne souhaite que le meilleur pour sa fille. Elle a toutefois peur de perdre sa place au profit de Maxine et Jade doit composer entre tout cela, en plus de ses propres doutes. La jeune fille se retrouve coincée entre deux mondes, entre sa culture, ses amis, et le besoin d’assimiler les codes d’un monde qui s’ouvre à elle. Dans son lycée, Jade n'est pas rejetée, elle ne subit aucun harcèlement mais l'écart entre ce qu'elle vit de son quotidien et celui que vivent les jeunes de ce lycée huppé la marginalise. Et si elle n'est pas victime d'un racisme affiché, ce roman dénonce le racisme ordinaire, celui dont les gens n'ont finalement presque pas conscience, celui qui consiste à ne voir l'autre qu'au travers du prisme de ses aprioris ou connaissances souvent partielles et qui conduit à avoir des comportements ou des propos choquants. Il y est question également de discrimination positive et du sentiment paradoxal d'isolement qu'il génère, le sentiment que pour être acceptée dans le monde des Blancs riches, elle va devoir renoncer à son essence même, renier ses origines. Jade se questionne en permanence si c'est le fait d'être Noir qui lui ouvre certaines portes, oubliant que c'est son travail qui lui donné sa bourse et non sa couleur de peau. Enfin, si les violences policières aux Etats-Unis sont évoquées dans ce roman, elles n'en constituent pas le cœur mais témoignent combien cela fait malheureusement partie du quotidien de la vie des grandes villes américaines. |
Au final le roman ne montre pas une héroïne en proie au harcèlement ou à un racisme brulant. Le roman n'est pas traité non plus sous l'angle de la difficulté d'être une jeune femme dans un quartier où la femme a souvent peu de valeur. Ce roman est un peu de tout cela à la fois, reflet d'une réalité sans fard du quotidien de nombre de jeunes femmes issues de minorités. On retrouve comme dans Signé poète X la volonté de se sentir exister et d'être entendue au-delà des stéréotypes. |