Auteur : Sarah Crossan
Éditeur : Éditions Rageot
Nombre de Pages : 222
Date de Parution : 15 mai 2018
Mon Avis : (Garanti sans spoilers)
Sarah Crossan est une autrice que l’on a découverte en France en premier lieu pour sa saga dystopique La Loi du dôme, avant que l’on ne découvre une autre facette de son écriture avec Inséparables, un roman contemporain YA écrit en vers libres. Swimming Pool exploite de nouveau l’écriture en vers libres avec une traduction de Clémentine Beauvais qui devient peu à peu LA référence de la traduction de ce genre littéraire. Kasienka est fille unique et vit auprès de sa mère et de sa grand-mère dans une petite ville de Pologne. Son père a un jour plié bagage sans rien dire voilà plusieurs années, plongeant sa femme dans la dépression et laissant sa fille dans l’incompréhension la plus totale. Des mois plus tard, une enveloppe avec un chèque arrive, et c’est sur le seul indice du cachet de la ville que mère et fille quittent la Pologne pour rejoindre une ville anglaise. Débute alors pour Kasienka une nouvelle vie où le quotidien s’avère une lutte : s’intégrer dans un nouveau collège et faire fi des préjugés, être confrontée au harcèlement scolaire, faire face au déracinement et au sentiment insistant de demeurer une étrangère, et surtout vivre dans le spectre idéalisé d’un père qui les a abandonnées. A travers des chapitres cours, le lecteur se plonge dans les pensées de cette jeune fille, dans son quotidien qui est loin d’être facile entre son isolement scolaire et la mélancolie de sa mère qui n’est muselée que par les recherches harassantes pour retrouver ce père qui clairement n’a pas envie d’être retrouvé. L’écriture en vers libres est toujours un pur bonheur pour les amoureux du genre. Si la musicalité et le rythme dans le choix des mots ne sont pas au premier plan, je reste admirative de cette écriture qui utilise les ruptures de rythme, les césures, la beauté et la richesse d’un mot pour mettre autant en valeur ce qui est dit que ce qui est tu. C’est une écriture qui se fait le berceau de l’implicite, du sous-jacent voire de l’indicible. Personnellement, c’est un procédé qui me ravit à chaque fois même si je sais qu’il peut laisser dans l’incompréhension ceux qui aiment être rassurés d’avoir capté dans son entièreté le message de l’auteur. Ce style bouscule également le rythme auquel on est habitué dans un récit en prose : Swimming Pool est lu en moins de deux heures, ce qui laisse peu de temps pour s’attacher aux personnages et leur dire adieu. Swimming Pool est un joli roman qui aborde nombre de sujets. On y discute déracinement, préjugés, harcèlement, dépression, drame familial mais aussi capacité à se (re) construire et résilience. Ce roman est bien évidemment touchant par de nombreux points même si j’avoue ne pas avoir ressenti la même émotion qu’à la lecture d’Inséparables qui a été un véritablement raz de marée. Dernier petit détail qui relève plus de l’anecdote, j’avoue avoir une préférence pour le titre VO "The Weight of water" qui a une valeur plus métaphorique que le titre VF. Car si la natation a une place essentielle dans la vie de Kasienka, c’est surtout la symbolique de son adaptation à se couler dans le courant plutôt que lutter contre une force colossale qui est mise en avant. La liberté que lui offre le milieu aquatique et le sentiment qu’il est vain de se battre contre une telle masse au risque de s’y noyer mais qu’au contraire, il vaut mieux accepter ce poids pour mieux s’en détacher et avancer. Joli parallèle avec les évènements de la vie qui malmènent notre héroïne et sa capacité à trouver le moyen de garder la tête hors de l’eau… |
Swimming Pool est un joli roman qui aborde des sujets d’actualité que l’on voit encore finalement assez peu en littérature jeunesse : l’émigration et le sentiment de déracinement, la lutte contre les préjugés, l’abandon familial. L’écriture en vers libres fait la force de ce texte tout en le teintant de beaucoup de pudeur, poussant le lecteur à se saisir autant de ce qui est mis en lumière que ce qui est laissé dans l’ombre. |